USTKE: Quel dialogue social pour quel Pays ?

Publié le par FPL



Quel dialogue social pour quel Pays ?

Le forum du dialogue social, quatrième du nom, a repris le 21 octobre dernier après 11 mois d'interruption, élection aux assemblées de provinces oblige, avec le gouvernement Gomès comme promoteur de cette nouvelle mascarade.

Le Président Gomès qui, déjà à l'occasion de son discours de politique générale, avait invité l'USTKE à retrouver la route de cette instance créée en 2006 à l'initiative de son prédécesseur, Harold Martin.

Un forum sur fonds de fracture sociale exacerbée par la répression impitoyable dont sont victimes les syndicalistes de l'Ustke à laquelle il faut rajouter les promesses, annoncées lors des précédentes réunions du dialogue social et non tenues à ce jour ou dénaturées dans leur contenu, par le gouvernement local. Citons entre autres le projet de texte sur l'emploi local, le financement des syndicats ou encore la question de la « gouvernance sociale » et son « conseil du dialogue social » qui, à ce stade des travaux, est loin de correspondre aux annonces particulièrement prometteuses du candidat Martin, avant les élections provinciales de mai, qui se félicitait déjà de sa création imminente …!? Aujourd'hui tout reste à faire et bien évidemment le train des élections hormis celles des îles est bien passé.

Ce forum est celui de la honte et regroupe une partie des acteurs à l'origine de l'incarcération de nos camarades. Il s'agit bien évidemment des partenaires sociaux et notamment certaines organisations syndicales dont les leaders n'ont pas hésité à se fourvoyer avec la direction d'Aircal pour exiger du Haut-Commissaire, en communion avec le Medef local, l'arrestation du Président de l'Ustke, Gérard Jodar. Serait-ce donc cela, la nouvelle version du dialogue social … !?
L'USTKE pour sa part, ne démord pas et a rappelé à maintes reprise, déjà par son Président aujourd'hui emprisonné, que le seul dialogue social qui soit crédible est celui qui s'opère dans les entreprises. Une position qui explique le retrait de notre organisation syndicale, en janvier 2008, après 2 années de contribution conséquente, suite aux incidents au dépôt de Carsud qui ont opposé nos militants et les forces de l'ordre venues à 2h00 du matin les déloger de leur piquet de grève.

Les conflits qui suivirent de TDF, Aircalin et ensuite Aircal, pour ne citer que ceux là, sont les exemples les plus criants de cette répression dont a été victime l'Ustke. Une ingérence de l'État dans un domaine de compétence qui relève pourtant de la Nouvelle Calédonie dont les responsables et l'actuel Président du gouvernement en particulier, se sont illustrés dans leur parti pris dans ce qui s'apparente de plus en plus à une entreprise de déstabilisation de notre organisation syndicale.

Yves Dassonville, Haut commissaire de la République en fonction depuis le 9 novembre 2007, résume à lui seul cette situation que seul le caractère colonial de notre Pays explique. Nommé en remplacement de Michel Mathieu démissionnaire qui refusait les méthodes préconisées par sa hiérarchie pour « réprimer les mouvements sociaux » en particulier ceux de l’Ustke, le nouveau locataire du haut-commissariat marqua sa différence moins de 2 mois après sa nomination avec l’attaque par les forces de l’ordre, du piquet de grève Carsud, renouant ainsi l'action de l'État avec les méthodes coloniales remises au goût du jour après l'arrivée de Sarkozy à l'Élysée.
Si les forces de droite et leurs alliés économiques nous ont habitué à leur opposition viscérale, la participation active en revanche d'indépendantistes et leur implication dans la neutralisation des responsables de notre organisation syndicale constitue l'une des révélations de ce contexte social mouvementé.
La décision du congrès de l'Ustke en 2006 d'initier une alternative politique laissait entrevoir une réaction de la classe politique locale, hostile à l'arrivée d'un nouveau venu dans le paysage politique calédonien. Le comité des signataires réuni en décembre 2007 confirma cette tendance et vit l'assentiment des indépendantistes à la proposition de l'État d'intervenir fermement dans les conflits sociaux et de recourir « plus systématiquement à la médiation judiciaire. »
Le mois qui suivit, les incidents de Carsud, lançait le signal d'une répression sans précédent dans l'histoire du syndicalisme calédonien et dont la principale cible était bien évidemment l'Ustke.

Un contexte exploité à la veille des élections provinciales aux îles par le candidat Président du LKS et président du Conseil d'administration de la compagnie Aircal contre l'Ustke, principal soutien du Parti Travailliste, avec les conséquences que l'on connait aujourd'hui et qui se sont soldées par l'incarcération de nos camarades dont le président de notre organisation syndicale.
Un patron, élu politique, grand chef de surcroit, se disant indépendantiste, exigeant du représentant de l'État Français en Kanaky, avec la bénédiction du Medef, l'arrestation des syndicalistes de l'Ustke, 2ème syndicat le plus représentatif, selon les sources officielles (Direction du Travail et de l'Emploi), voilà un exemple sérieux d'atteinte au mouvement syndical dans notre Pays.

Au moment où les partenaires sociaux reprenaient leurs travaux, le 21 octobre dernier, le président de l'Ustke entamait son 4 ème mois d'incarcération dans les geôles du colonialisme Français, sans que cela n'interpelle outre mesure ces champions du dialogue social.
Ce comportement à l'égard d'un syndicalisme revendicatif, de terrain, dont l'engagement politique, s'agissant de l'Ustke, soulève des incompréhensions voire des oppositions farouches de la part des autres organisations syndicales en Kanaky ne justifiera jamais en revanche, ce mutisme face à ce qu'il convient d'appeler une atteinte au libre exercice du droit syndical et au droit de grève et contre la criminalisation de l'action syndicale. Une remise en cause des libertés fondamentales dans notre Pays qui a pourtant fait réagir en France et ailleurs dans le monde.
En d'autres termes on ne demande pas de nous aimer ou de partager nos convictions mais de nous respecter ainsi que les droits que nous confèrent notre statut d'organisation syndicale, faut il le rappeler encore ici, la 2ème la plus représentative dans le pays.

Aussi contrairement aux déclarations prometteuses des participants à ce forum, la démocratie sociale est une utopie quand l'un des partenaires, fut-il l'Ustke, a pour seule réponse à ses revendications, la répression des forces de l'ordre et l'acharnement du parquet de Nouméa, au service d'un patronat réactionnaire. Utopie également quand on sait que le texte sur l'emploi local auquel avait participé l'Ustke au début des travaux du dialogue social a été vidé de son sens et n'est plus rattaché à la notion de citoyenneté mais tente de répondre aujourd'hui, dans sa nouvelle formulation, à la question de l'emploi au profit des non-citoyens. Utopie enfin quand on constate le silence des organisations syndicales autour des tentatives du Medef de faire subir le coût de l'augmentation du Smig à 150 000 fcfp aux salariés par le biais de la Cafat.
Ce n'est pas à notre sens, des orientations qui ont pour but de résorber les inégalités sociales et donc d'œuvrer pour une meilleure répartition des richesses.

La question du dialogue social et de sa construction s'inscrit dans le cadre d'une réflexion sur le projet de société que nous voulons le meilleur pour nos enfants. Une société dont les richesses sont réparties équitablement avec une réglementation qui s'applique à tous, patrons compris, qui ne peuvent continuer à bénéficier comme aujourd'hui encore, d'une impunité devant leur manquement au regard de la loi. Nous pensons en particulier à la question du dépôt des comptes des entreprises au tribunal administratif, déjà obligatoire mais non respecté, par une grande majorité de patrons, dans l'indifférence la plus totale des pouvoirs publics.
Nous ne voulons pas de ce dialogue social, allié de la répression de l'État et qui fait abstraction de celui qui doit s'opérer naturellement dans les entreprises. Nous ne voulons pas également nous rendre complice d'un chantier qui ne répond pas à nos aspirations s'agissant de la société que nous souhaitons bâtir, pour les générations à venir.



Le Bureau Confédéral
Nouméa, le 20 novembre 2009

Publié dans Peuples en Lutte

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